Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/119

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soupir ses esprits errants, les transforme en une voix claire, suave, angélique, divine,

Je sens faire à mon cœur une douce violence, et mes pensées et mes désirs se changer tellement en dedans de moi, que je dis : Vienne maintenant mon heure dernière, puisque le ciel me destine une mort si noble.

Mais le bruit des soupirs et des paroles de Laure, qui enchaîne les sens par sa douceur, retient l’âme au moment où elle est prête à partir, par le grand désir qu’elle a d’écouter ce qui la rend heureuse.

C’est ainsi que je continue à vivre ; ainsi se déroule et s’étend le fil de la vie qui m’est donnée, exemple unique parmi nous.


SONNET CXV.

Il croit, puis il ne croit plus que Laure deviendra sensible ; mais l’espoir le soutient toujours.

Amour m’envoie ce doux penser qui est notre ancien confident à tous deux ; et il me réconforte, et il dit que je ne fus jamais si près que maintenant de voir ce que je désire et ce que j’espère.

Moi, qui parfois ai reconnu ses paroles pour un mensonge et parfois pour une vérité, je ne sais s’il faut le croire, et je vis dans l’incertitude ; le oui ni le non ne se font entendre entièrement en mon cœur.

Cependant le temps passe, et je vois dans mon miroir que je m’avance vers l’âge contraire à ses promesses et à mes espérances.

Or, advienne que pourra ; je ne suis pas seul à vieillir ; mon désir n’est pas encore changé par l’âge. Je crains bien que ma vie s’achève avant que mes désirs soient accomplis.