Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mon cœur est un feu, et je suis tellement embrasé au dedans par ces soupirs suaves que j’entends toujours, que, tout en brûlant, je me réjouis, et que je vis de cela et me soucie peu d’autre chose.

Ce Soleil, qui seul resplendit à mes yeux, me réchauffe encore avec ses rayons dans l’âge mûr, comme il le faisait dans mon jeune âge.

Et il m’allume et me brûle de loin, de telle façon que la mémoire toujours jeune et solide me montre uniquement ce lien, et le temps et le lieu.


SONNET CXXIII.

La pensée toujours tournée vers Laure, il traverse seul et sans crainte les bois et les forêts.

Par les bois inhospitaliers et sauvages, où les hommes armés vont à grands risques, moi, je vais en sûreté ; car rien ne me peut effrayer qui reflète les vifs rayons d’Amour.

Et je vais chantant — pauvre fou que je suis ! — celle que le ciel ne pourrait éloigner de moi, car je l’ai dans les yeux ; et il me semble voir avec elle des dames et des damoiselles, tandis que ce sont des sapins et des hêtres.

Il me semble l’entendre, quand j’entends la brise jouer dans les branches et dans le feuillage, et les oiseaux se plaindre, et les eaux fuir en murmurant par les herbes vertes.

Rarement le silence, l’horrible solitude des forêts ombreuses me plut autant, si ce n’est que je perds trop de temps loin de mon Soleil.