Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/128

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plus, tiens mon intelligence dans le doute entre l’espérance et la crainte, la flamme ou la glace.

Je tremble sous le ciel le plus chaud, je brûle sous le ciel le plus froid, toujours plein de désir et de soupçon ; absolument comme si, sous son vêtement simple ou sous son voile léger, ma Dame cachait un homme vivant.

De ces peines, la première est la mienne propre ; je brûle jour et nuit ; et combien grand est ce doux mal, on ne peut se l’imaginer par la pensée, loin de pouvoir l’exprimer en vers ni en rimes.

L’autre, je ne l’éprouve point ; car mon beau feu est tel qu’aucun autre ne l’égale ; et celui qui espère voler jusqu’à la cime de sa belle lumière, déploie en vain les ailes.


SONNET CXXX.

Si les doux regards de Laure le font souffrir jusqu’à causer sa mort, que serait-ce si elle les lui refusait ?

Si le doux regard de ma Dame me tue, ainsi que ses paroles courtoises, et si Amour lui donne tant d’empire sur moi seulement quand elle parle ou qu’elle sourit,

Que sera-ce, hélas ! si, par aventure, soit par ma faute, soit par malechance, ses yeux me privent de merci, et me donnent la mort alors que maintenant ils me rassurent contre elle ?

Si donc je tremble et vais le cœur glacé chaque fois que je vois sa figure changer, cette crainte est née d’une longue expérience.

La femme est chose mobile par nature ; d’où je sais bien que les sentiments amoureux durent peu dans le cœur d’une dame.