Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/140

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SONNET CL.

Il l’aimera même après la mort. Elle ne le croit pas, et c’est ce qui l’attriste.

Hélas ! je brûle et elle ne le croit pas. Tout le monde le croit, excepté celle de qui seule je voudrais être cru. Il ne semble pas qu’elle le croie, et cependant elle le voit.

Ô vous qui avez une beauté infinie et peu de foi, ne voyez-vous donc pas mon cœur dans mes yeux ? Si ce n’était ma mauvaise étoile, je devrais pourtant trouver merci à la source même de la pitié.

L’ardeur que je déploie et qui vous touche si peu, les louanges que je vous prodigue dans mes rimes, pourraient encore enflammer mille dames ;

Car je vois par la pensée, ô ma douce flamme, que votre langue devenue froide et vos beaux yeux fermés, resteront après nous pleins d’étincelles.


SONNET CLI.

Il se donne à lui-même Laure comme un modèle de vertu.

Ô mon âme qui vois, écoutes, lis, parles, écris et penses tant de choses diverses ; ô mes yeux ardents, et toi qui, parmi mes autres sens, portes à mon cœur les sublimes paroles saintes ;

Combien ne donneriez-vous pas pour être venus avant ou après, dans le sentier de la vie où l’on marche si difficilement, afin de ne pas y rencontrer les deux beaux yeux enflammés, et les traces des pieds aimés ?

Avec une si éclatante lumière et de semblables signaux, on ne doit pas errer dans ce court voyage qui peut nous rendre digne d’une éternelle demeure.