Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/161

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regrette mes peines que je ne voudrais pas diminuer d’une seule, se sont couverts d’un nuage si lourd et si épais, que le Soleil de ma vie est quasi éteint.

Ô Nature, pieuse et cruelle mère, d’où te vient un tel pouvoir et des volontés si contraires, que tu fasses et défasses des choses si charmantes ?

Toute puissance dérive d’une source vive. Mais toi souverain Père, comment souffres-tu qu’un autre pouvoir nous dépouille du don si précieux que tu nous as fait ?


SONNET CLXXVI.

Il se réjouit de souffrir aux yeux le même mal dont Laure est guérie.

Quelle fortune ce me fut, quand de l’un des deux plus beaux yeux qui furent jamais, et que je voyais troublé et obscurci par la douleur, s’échappa une vertu qui rendit le mien malade et assombri ?

Étant retourné pour rompre mon jeûne et pour voir celle dont seule au monde j’ai souci, le ciel et Amour me furent moins durs que jamais, quand même je rassemblerais toutes les autres faveurs que j’en ai reçues.

Car de l’œil droit, ou plutôt du soleil droit de ma Dame, m’est venu à l’œil droit le mal qui me réjouit loin de m’affliger.

Il est venu comme s’il avait eu de l’intelligence et des ailes, et quasi semblable à une étoile qui vole dans le ciel ; et la nature et la pitié ont dirigé son cours.