SONNET CXCI.
Éloignée de moi, ma Dame avait coutume de me consoler dans mon sommeil avec sa douce vue angélique ; maintenant elle m’épouvante et m’attriste, et je ne puis me défendre de souffrir et de craindre.
Car souvent il me semble voir sur son visage une pitié réelle mêlée à une poignante douleur, et entendre des choses d’où mon cœur fidèle acquiert la conviction qu’il lui faut déposer toute joie et toute espérance.
Ne te souviens-tu pas de cette dernière soirée — dit-elle — où je te laissai les yeux baignés de pleurs, et où, pressée par l’heure tardive, je m’en allai ?
Je ne pus te le dire alors et je ne le voulus pas ; maintenant je te le dis comme chose certaine et vraie : n’espère plus me revoir jamais sur la terre.
SONNET CXCII.
Ô misérable et horrible vision ! Est-il donc vrai, qu’avant le temps, se soit éteinte la belle lumière qui, d’habitude, me fait vivre content dans les peines et dans les espérances favorables ?
Mais comment se fait-il qu’une telle rumeur ne soit pas annoncée à grand bruit par d’autres messagers, et que ce soit par elle-même que je l’apprenne ? Maintenant, puissent Dieu et Nature ne pas y consentir, et que ma triste croyance soit fausse.
Il me plaît cependant d’espérer revoir encore la