Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/178

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Que rien qu’à m’en souvenir, il me semble que je me consume, chaque fois que je reviens vers ce jour, et que je repense comment mes esprits affaiblis en vinrent à la faire varier de ses dures habitudes.

Mon âme, toujours nourrie dans la douleur et dans la peine — si grand est le pouvoir d’une longue habitude ! — fut tellement faible contre ce double plaisir,

Qu’au seul goût du bonheur inusité, tour à tour tremblante de peur et d’espérance, elle fut souvent sur le point de m’abandonner.


SONNET CC.

À penser toujours à elle, il lui faut aussi se souvenir du lieu où elle est.

J’ai toujours cherché une vie solitaire — les rives, les campagnes et les bois le savent — pour fuir ces esprits sourds et louches qui ont perdu le chemin du ciel ;

Et si mon désir était en cela accompli, loin du doux climat du pays des Toscans, la Sorgue m’aurait parmi ses belles collines touffues, la Sorgue qui m’aide à pleurer et à chanter.

Mais mon destin, toujours ennemi, me rejette vers le lieu où je m’indigne de voir mon beau trésor dans la fange.

Cette fois, il s’est montré favorable à la main dont j’écris ; et peut-être n’est-ce pas injuste ; Amour le voit, et ma Dame le sait, ainsi que moi.