Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/195

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jamais auparavant quelque douceur ; et de l’autre je vois les vents courroucés contre mon navire ;

Je vois la fortune dans le port, et mon nocher fatigué désormais, et les mâts et les cordages rompus, et les beaux yeux que j’avais coutume de regarder, éteints pour toujours.


SONNET V.

Il invite son âme à s’élever vers Dieu, et à abandonner les vanités d’ici-bas.

Que fais-tu ? que penses-tu, âme inconsolée, que tu regardes uniquement en arrière vers le temps qui ne peut plus désormais revenir ; que tu vas portant sans cesse du bois au feu dont tu brûles ?

Les suaves paroles et les doux regards que tu as décrits et dépeints un à un, sont ravis à la terre ; et il est — tu le sais bien — intempestif et trop tard pour les chercher encore.

Ah ! cesse de renouveler ce qui nous tue ; ne poursuis plus une pensée vague et trompeuse, mais cherches-en une saine et certaine qui nous conduise à bonne fin.

Cherchons le ciel, puisqu’ici rien ne nous plaît ; car cette beauté serait apparue pour notre malheur, si, vivante et morte, elle devait nous ravir la paix.


SONNET VI.

Il ne peut plus avoir la paix avec les pensées qui assiègent son cœur.

Donnez-moi la paix, ô mes cruels pensers ; ne suffit-il pas bien qu’Amour, la Fortune et la Mort me fassent la guerre de toutes parts et jusqu’à ma porte, sans me susciter en dedans de nouveaux ennemis ?

Et toi, mon cœur, tu es encore ce que tu étais, dé-