Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/219

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en s’en allant, il m’a fixé ses deux yeux au cœur, au cœur qui fut jadis à moi, car il est parti, suivant celle qui l’avait roulé dans son beau manteau.

Elle l’a emporté sous terre et au ciel, où maintenant elle triomphe ornée du laurier que lui valut son honnêteté invaincue.

Ainsi, débarrassé de mon voile mortel, qui me retient ici de force, puissé-je être avec eux, libre de soupirs, parmi les âmes bienheureuses !


SONNET XLVI.

Il se plaint de n’avoir pas prévu ses malheurs, le dernier jour qu’il la vit.

Mon âme, toi qui, prévoyant tes maux, et déjà pensive et triste au temps heureux, a cherché si soigneusement dans la vue aimée un apaisement pour tes angoisses futures ;

Aux gestes, aux paroles, au visage, aux vêtements, à la pitié nouvelle mêlée de douleur, tu pus dire, si tu t’es aperçue de tout cela : voici le dernier jour de mes douces années.

Quelle douceur fut celle-ci, ô misérable âme ! comme nous brûlions au moment où je vis les yeux que je ne devais jamais revoir !

Quand, au moment de les quitter, je leur laissai en garde, comme à mes deux plus fidèles amis, ce que j’avais de plus précieux : mes chères pensées et mon cœur.


SONNET XLVII.

La mort la lui ravit, alors qu’il pouvait sans crainte s’entretenir avec elle.

Ma saison verte et fleurie était entièrement passée, et déjà je sentais s’attiédir le feu qui brûla mon cœur ;