Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/22

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à l’heure où le soleil ardait le plus fort. Moi qu’aucune autre vue ne saurait satisfaire, je m’arrêtai à la regarder, ce dont elle eut vergogne. Et, soit pour se venger, soit pour se cacher, elle me jeta de l’eau au visage avec ses mains. Je vais dire une chose vraie, et qui semblera peut-être un mensonge : je me sentis dépouillé de ma figure, et je fus sur-le-champ transformé en cerf solitaire et errant de forêt en forêt, fuyant jusqu’à mes propres chiens.

Chanson, je ne fus jamais cette nuée d’or qui tomba ensuite en pluie précieuse, et qui éteignit en partie le feu de Jupiter ; mais je fus bien la flamme qu’un beau regard allume ; et je fus l’oiseau qui s’élève le plus haut dans l’air, élevant avec moi celle que j’honore dans mes chants. Mais quelles qu’aient été mes métamorphoses, je n’ai jamais quitté le Laurier dans lequel je fus transformé tout d’abord, car sa douce ombre chasse de mon cœur tout autre plaisir moins beau.

CANZONE II.

Après avoir loué les beautés de Laure, il se demande s’il doit ou non cesser de l’aimer.

Jusqu’à présent, jamais vêtements de couleur claire, rouge, sombre ou éclatante ne furent endossés, jamais cheveux d’or ne furent tordus en une blonde tresse par une dame aussi belle que celle qui m’a privé de tout arbitre, et qui m’entraîne après elle hors du chemin de la liberté, de façon que je ne supporte aucun autre joug même plus léger.

Et si pourtant mon âme se hasarde parfois à se plaindre, alors que le bon sens vient à lui manquer et que sa douleur lui fait craindre de perdre la vie,