Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/232

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vais voir s’éteindre la sublime lumière dont je vivais, et c’était écrit sur son aspect doux et amer.

Mais devant mes yeux s’était mis un voile qui m’empêchait de voir ce que je voyais, afin de rendre soudain ma vie plus triste.


SONNET LVIII.

Il aurait dû prévoir son malheur à l’éclat insolite des yeux de Laure.

Ce gracieux, doux, cher et chaste regard semblait dire : prends de moi ce que tu peux, car jamais plus tu ne me verras ici-bas, quand tu auras porté hors d’ici tes pas si lents à se mouvoir.

Intelligence plus prompte que le léopard, lente à prévoir tes douleurs, comment ne vis-tu pas dans ses yeux ce que tu vois maintenant, et ce qui fait que je me consume et que je brûle ?

Silencieux, plus étincelants que de coutume, ils disaient : Ô lumières amies, qui pendant longtemps, avec tant de douceur, avez fait de nous vos miroirs !

Le ciel nous attend ; il vous semblera, à vous, que c’est trop tôt ; mais celui qui nous lia ici-bas rompt notre lien ; et, pour vous mettre en courroux, il veut que le vôtre vieillisse.


CANZONE V.

Il a vécu heureux et uniquement pour elle. Elle aurait donc dû mourir à son heure.

J’avais coutume de m’éloigner de la fontaine de ma vie, et de chercher par les terres et les mers, suivant, non pas ma volonté, mais mon étoile ; et toujours je m’en allai, — tellement Amour me vint en aide, — pendant ces exils amers, autant qu’il a pu voir, me