cœur de si larmoyantes rimes. Je vécus d’espoir ; maintenant je vis de pleurs, et contre la Mort je n’ai d’espoir que dans la Mort.
La Mort m’a fait mourir, et seule la Mort peut faire que j’aille revoir ce visage joyeux qui faisait un plaisir pour moi des soupirs et des pleurs, brise douce et pluie bienfaisante pour mes nuits ; alors que, Amour, élevant mon style débile, je tissais en rimes les pensées choisies.
Maintenant que n’ai-je un si touchant style qu’il puisse reprendre ma Laure à la Mort, comme Orphée le fit pour Eurydice, sans avoir besoin d’employer les rimes ! Je vivrais encore plus que jamais joyeux. Si cela ne peut être, qu’une de ces nuits ferme enfin ces deux sources de pleurs.
Amour, j’ai maintes et maintes années pleuré ma grande souffrance en un douleureux style, et je n’espère pas avoir jamais de toi de moins cruelles nuits ; aussi, je suis venu prier la Mort de m’enlever d’ici pour me rendre joyeux là où est celle que je chante et que je pleure dans mes rimes.
Si mes rimes fatiguées peuvent aller si haut qu’elles arrivent jusqu’à elle qui ne connaît plus la colère ni les pleurs, et qui fait maintenant le ciel joyeux de ses beautés, elle reconnaîtra bien, quoique changé, le style qui lui plut peut-être autrefois, avant que la Mort ne lui eût fait un jour serein et à moi d’atroces nuits.
Ô vous qui soupirez dans de plus heureuses nuits, qui écoutez parler et qui parlez vous-mêmes d’amour dans vos rimes, priez pour que la Mort ne me soit plus sourde, la Mort, port des misères et terme des pleurs ; pour qu’elle change une fois son antique