Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/238

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Autrefois, elle avait peur de moi, maintenant elle sait, loin de le croire seulement, que ce que je veux aujourd’hui pour moi est absolument ce que j’ai toujours voulu ; et si elle entendait alors mes paroles, ou si elle voyait mon visage, maintenant elle voit mon âme et mon cœur.

Aussi j’espère qu’enfin, du haut du ciel, elle s’afflige de tant de soupirs que je pousse ; et elle le montre en se tournant vers moi, si pleine de piété.

Et j’espère que lorsque je laisserai ici-bas cette dépouille, elle viendra vers moi, avec cette escorte des nôtres, véritable amie du Christ et de l’honnêteté.


SONNET LXI.

Il la voit en imagination sous la forme d’un esprit céleste. Il veut la suivre, mais elle disparaît.

J’ai vu naguère, entre mille autres, ma Dame d’un aspect tel que mon cœur fut assailli d’une amoureuse peur, en la voyant sous une image non fausse, semblable, comme forme, aux esprits célestes.

Il n’y avait en elle rien de terrestre ou de mortel, comme à ceux qui ne se soucient d’autre chose que du ciel. Mon âme qui brûla si longtemps, et qui grandit pour elle, désireuse de la suivre, ouvrit les deux ailes.

Mais elle était trop haut pour mon poids terrestre ; et peu après je la perdis complètement de vue ; à cette pensée je me sens encore glacé et plein de stupeur.

Ô belles, hautes et resplendissantes fenêtres, par où celle qui a rendu tant de gens tristes, a trouvé une voie pour entrer dans un si beau corps !