Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/250

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de mon lit, avec son doux et affable raisonnement, tout pâle de pitié et de peur, je dis : « — D’où viens-tu à cette heure, ô bienheureuse âme ? — » Elle tire de son beau sein un petit rameau de palme, et un autre de laurier, et dit : « — Je me suis départie du beau ciel Empyrée et de ces saintes régions, et je viens uniquement pour te consoler. — »

Par gestes et en paroles je la remercie humblement, et puis je lui demande : « — Or, d’où sais-tu mon état ? — » Et elle : « — Les tristes flots de pleurs dont jamais tu n’es rassasié, et le vent de tes soupirs, à travers tout l’espace arrivent au ciel et troublent ma paix. Te déplaît-il donc si fort que j’aie quitté cette misérable vie pour arriver à une meilleure, alors que cela devrait te plaire, si tu m’aimas autant que tu le montras par ton air et par tes discours ? —

Je réponds : « — Je ne pleure pas sur un autre que moi-même, qui suis resté au milieu des ténèbres et des souffrances, toujours aussi certain que tu étais montée au ciel, qu’on est sûr d’une chose qu’on voit de près. Comment Dieu et la Nature auraient-ils mis tant de vertu en un cœur juvénile, si le salut éternel n’avait pas été réservé d’avance à ton bien faire, ô toi, l’une des âmes rares, qui vécus saintement parmi nous, et puis t’envolas subitement au ciel !

« Mais moi, que dois-je faire, sinon pleurer toujours, misérable et seul, car sans toi je ne suis rien ? Que n’ai-je été étouffé à la mamelle et au berceau, afin de ne pas subir les amoureuses épreuves ! — » Et elle : « — Pourquoi pleures-tu, et te consumes-tu ? Combien eût-il mieux valu d’élever tes ailes au dessus de la terre ; et de peser dans une juste balance les choses mortelles et tes douces et trompeuses folies ;