Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/257

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SONNET LXXXII.

Il a tellement fixé sa pensée sur Laure, qu’il lui semble être avec elle dans le ciel, et lui parler.

Je vole si souvent au ciel avec les ailes de la pensée, qu’il me semble presque être un de ceux qui y ont leur trésor, laissant sur la terre mon voile déchiré.

Parfois mon cœur tremble d’un doux frisson, entendant celle pour laquelle je pâlis, me dire : « — Ami, maintenant je t’aime et je t’honore, parce que tu as changé d’habitudes et de cheveux. — »

Elle me mène vers son Seigneur ; alors je m’incline, le priant humblement de consentir à ce que je reste à contempler l’un et l’autre visage.

Il répond : ta destinée est bien arrêtée ; si elle tarde encore vingt ou trente ans à s’accomplir, cela te paraîtra trop long, et cela ne sera cependant pas beaucoup.


SONNET LXXXIII.

Délivré des filets de l’amour, dégoûté et las de la vie, il retourne à Dieu.

La Mort a éteint ce Soleil qui a coutume de m’éblouir, et mes yeux, entiers et sains, sont dans les ténèbres ; celle par laquelle je sentis le froid et le chaud, est maintenant poussière ; mes lauriers dépouillés, sont devenus des chênes et des ormes.

C’est ce qui fait que je vois mon bien, et qu’en même temps je m’afflige. Je n’ai plus personne qui épouvante et qui enhardisse mes pensers, qui les glace et les réchauffe, ni qui les remplisse d’espérance et les comble de douleur.

Hors des mains de celui qui blesse et guérit, et qui