Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/335

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Heureux celui qui trouve le gué de ce torrent montagneux et rapide qui s’appelle la vie et qui est si cher au plus grand nombre !

Malheureux le vulgaire aveugle qui place ses espérances sur les choses que le temps emporte si rapidement !

Ô malheureux mortels vraiment sourds, nus et frêles, dénués de prévoyance et de sagesse, malades de tous vos membres !

Cherchez celui qui gouverne le monde d’un signe, qui soulève et apaise les éléments ; de la connaissance duquel je ne m’approche point,

Mais dont les anges sont joyeux et satisfaits de voir une des mille parties, à quoi ils bornent leurs désirs et leurs pensées.

Ô esprit incertain, toujours privé de l’objet de tes désirs, à quoi bon tant de pensées ? Une heure disperse ce qu’on avait eu grand’peine à rassembler en beaucoup d’années.

Ce qui pèse sur notre âme et l’entrave, le passé, le présent, hier, demain, le matin et le soir, tout cela passera en un moment comme l’ombre.

Rien n’aura plus été, ni ne sera plus ; seul le présent subsistera, et l’éternité seule restera une et entière.

Combien d’obstacles qui cachaient la vue du passé et celle de l’avenir, seront aplanis ! Il ne restera rien sur quoi nous puissions appuyer notre espérance ou notre souvenir,

Dont la diversité fait tellement dévier l’homme, que la vie semble un jeu, chacun pensant : que deviendrai-je, qu’ai-je été ?

Le temps ne sera plus divisé en petites portions,