Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/344

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les glaces et dans les neiges glacées, tellement elle est loin du chemin du soleil. Là, parmi les jours nébuleux et courts, naît une population naturellement ennemie de la paix, et à qui il n’en coûte rien de mourir. Si cette population, plus dévouée que d’habitude, prend les armes pour seconder la fureur tudesque, tu dois bien comprendre combien elle est à craindre des Turcs, des Arabes, des Chaldéens et de tous ceux qui placent leur espoir dans les dieux de ce côté de la mer aux eaux sanglantes, nations qui combattent sans armures, craintives et efféminées, qui ne surent jamais manier le fer, mais qui confient au vent tous leurs coups.

Donc, c’est l’heure et le temps de retirer notre cou de l’antique joug, et de déchirer le voile qui avait été déroulé autour de nos yeux ; il est temps que le noble génie que tu tiens du ciel par la grâce de l’immortel Apollon, montre ici la valeur de son éloquence par des discours et par des écrits dignes de louange. Si, en lisant les exploits d’Orphée et d’Amphion, tu ne t’étonnes point, tu t’étonneras bien moins encore que l’Italie et ses enfants se lèvent au son de ton éclatante parole, et prennent la lance en faveur de Jésus. Car si cette antique mère voit juste, elle comprendra qu’en aucune de ses guerres, elle n’a eu de si belles et de si admirables raisons.

Toi qui, pour t’enrichir d’un beau trésor, as consulté les ouvrages anciens et modernes, t’élevant jusqu’au ciel malgré la pesanteur terrestre, tu sais combien, depuis le fils de Mars jusqu’au grand Auguste qui, trois fois triomphant, orna trois fois sa tête du vert laurier, Rome fut prodigue de son sang pour venger les injures faites à d’autres. Pourquoi donc