Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/35

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Et la pitié avait tellement changé ce même visage, que les beaux yeux pleuraient tous les deux à la fois. C’est pourquoi l’air resta dans son premier état.


SONNET XXIX.

Il y en a qui ont pleuré sur leurs ennemis, mais Laure ne daigne pas seulement lui accorder une larme.

Celui qui, en Thessalie, eut les mains si promptes à les rougir du sang des citoyens, pleura mort le mari de sa fille, qu’il reconnut aux traits de sa figure.

Et le pasteur qui fendit le front de Goliath, pleura sa famille rebelle, et versa des larmes sur le bon Saül, ce dont la funeste montagne eut fort à se plaindre.

Mais vous, que jamais la pitié ne fait pâlir, et qui avez toujours des remparts tout prêts contre les flèches qu’Amour décoche en vain,

Vous me voyez déchiré de mille morts, et pourtant pas une larme n’est encore descendue de vos beaux yeux, mais bien le dédain et la colère.


SONNET XXX.

C’est le miroir de Laure qui lui fait souffrir le dur exil de ses yeux.

Mon rival, dans lequel vous avez coutume de voir vos yeux qu’Amour et le ciel honorent, vous séduit par des beautés qui ne sont pas siennes, et d’une suavité et d’une douceur plus qu’humaine.

Par son conseil, ma Dame, vous m’avez chassé hors du doux abri de votre cœur. Malheureux exilé ! bien que je ne sois pas digne d’habiter dans ce cœur où vous vivez seule.

Mais puisque j’y étais fixé par de solides clous, votre miroir, pour vous plaire à vous seule, ne devait