Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/44

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BALLADE IV.

Il veut l’aimer toujours, même quand il ne devrait plus voir ses yeux ni ses cheveux.

Quoique, par la faute d’une autre, je sois privé de la vue de ce qui m’a poussé tout d’abord à aimer, je n’abandonne pas ma ferme résolution.

Dans les cheveux dorés de Laure, Amour a caché le lien dont il m’étreint ; et de ses beaux yeux sort le froid glacial qui m’est entré dans le cœur par la force d’une splendeur soudaine, et qui enlève encore à mon âme tout autre désir, car elle se souvient de cela seul.

Puis la douce vue de ces blonds cheveux m’a été hélas ! ravie, et le mouvement de ses deux yeux, honnêtes et belles lumières, m’a contristé par leur fuite ; mais comme par une belle mort on acquiert de la gloire, que je meure ou que je souffre, je ne veux pas qu’Amour me délivre d’un pareil lien.


SONNET XXXVIII.

Qu’il n’ait plus de privilège, ce laurier qui, de doux et favorable, est devenu sans pitié pour lui.

Le gentil arbuste que j’aimai si fort pendant de longues années, alors que ses beaux rameaux ne m’avaient point en mépris, faisait fleurir à son ombre mon faible génie, et le faisait croître dans les tourments.

Depuis que, à l’abri de telles erreurs, j’ai vu cet arbre, de favorable qu’il était, devenir sans pitié, j’ai tourné toutes mes pensées vers un seul point, car elles parlent toujours de leurs tristes dams.