Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

seulement les périls du dehors qui m’exposaient à une fin douloureuse, mais ceux qui étaient dans le navire même.

Depuis longtemps j’étais enfermé dans ce navire aveugle, sans lever les yeux sur la voile qui, avant l’heure, m’emportait vers la fin, quand il plut à Dieu, qui me donna la vie, de me faire assez franchir les écueils, pour que le port m’apparût au moins de loin.

Comme, la nuit, un navire ou un bateau aperçoit souvent, de la haute mer, la lumière de quelque port, à moins que la tempête ou que les écueils ne l’en empêchent, ainsi, du haut de la voile gonflée, je vis les insignes de cette autre vie, et je soupirai alors après la mort.

Non pas que je sois encore sûr d’y arriver, car voulant entrer de jour au port, le voyage est long pour ma vie si courte. Puis, je crains, car je me vois sur une fragile planche, et je vois la voile gonflée plus que je ne voudrais par le vent qui me pousse sur ces écueils.

Si je sors vivant des écueils douteux, et si mon exil a une belle fin, comme je serais désireux de changer la direction de la voile et de jeter l’ancre dans quelque port, si n’était que je brûle comme un bois enflammé, tant il m’est dur d’abandonner ma vie accoutumée !

Maître de ma mort et de ma vie, avant que le navire n’aille se briser entre les écueils, dirige à bon port ma voile éperdue.