Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/72

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SONNET LXIV.

Il se plaint de Laure, dont les yeux ne savent pas voir au fond de son cœur.

Que ne puis-je enfermer mes pensées dans mes vers, comme dans mon cœur ! il n’y aurait âme si cruelle au monde que je ne fisse pleurer de pitié.

Mais vous, beaux yeux dont j’ai reçu le coup duquel casque ni écu ne sauraient garantir, vous me voyez à nu au dehors comme au dedans, bien que ma douleur ne s’exhale point par la plainte.

Puisque votre vue pénètre en moi comme le rayon du soleil dans le verre, mon désir suffit donc sans que je l’exprime.

Hélas ! elle n’a pas nuit à Marie-Madeleine ni à Pierre, la foi qui à moi seul est si nuisible. Et je sais qu’en dehors de vous, personne ne m’entend.


SONNET LXV.

Il regrette la liberté qu’il a perdue, et déplore son malheureux état.

Ah ! belle liberté, comme en t’éloignant de moi tu m’as montré en quel état j’étais quand le premier trait me fit la plaie dont jamais je ne guérirai !

Mes yeux furent alors si charmés de leur malheur, que le frein de la raison n’a plus de pouvoir sur eux, car ils ont en mépris toute œuvre mortelle. Hélas ! je les ai habitués à cela dès le commencement.

Je ne puis plus écouter ceux qui ne parlent pas de celle qui cause ma mort ; qui ne remplissent pas l’air uniquement de son nom qui retentit si doucement.

Amour ne me pousse pas ailleurs ; mes pieds ne connaissent pas d’autre chemin, et mes mains ne