Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

défavorable à sa patrie abattue, se mit à rire au milieu de toute la population larmoyante et triste, afin de dissimuler son amer dépit.

C’est ainsi que l’âme cache sa douleur sous l’apparence contraire et sous un visage tantôt joyeux, tantôt sombre.

Si donc parfois je ris ou je chante, je le fais parce que je n’ai que ce moyen pour cacher mon angoisse et mes larmes.


CANZONE IX.

Brisé sous tant de souffrances, il prend la résolution de ne plus aimer Laure.

Je ne veux plus jamais chanter comme j’en avais coutume, car personne autre ne me comprenait, ce dont je n’ai retiré que des affronts. Et l’on peut être importun dans un beau séjour. Soupirer toujours n’avance à rien. Déjà, là-haut, sur les Alpes, il neige de toutes parts et déjà le jour est proche ; ce qui fait que je suis réveillé. Une attitude douce et honnête est chose noble ; et chez une dame amoureuse ce qui me plaît aussi, c’est un visage altier et dédaigneux, mais non superbe et revêche. Amour gouverne son empire sans épée. Que celui qui a perdu son chemin, retourne en arrière ; que celui qui n’a pas d’abri, couche sur l’herbe ; que celui qui n’a pas d’or ou qui l’a perdu, étanche sa soif avec un beau verre.

Je vous avais donné en garde à saint Pierre ; aujourd’hui, je ne le fais plus, non. M’entende qui peut, car moi, je m’entends. On a du mal à soutenir un poids lourd. Je me pétrifie autant que je peux, et je reste solitaire. Je hais Phaéton qui tomba dans le Pô et y périt. Et le merle a déjà passé de l’autre côté du ruis-