Page:Petrarque - Les Rimes de.djvu/85

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qu’il fait jour, à cause du grand désir de voir les lieux dont la vue leur a été ravie, ils apportent à moi les larmes et à mon pied lassé la fatigue.


SONNET LXXXI.

Rien qu’il reconnaisse que son amour le rend très malheureux, il persiste à vouloir toujours aimer Laure.

Elle est déjà passée la seizième année de mes soupirs ; et moi je cours avant l’heure à ma fin ; et cependant il me semble que c’est à peine si mon cruel martyre vient de commencer.

Aimer m’est doux, et ma peine m’est utile, et vivre m’est pénible. Et je désire que ma vie dure plus longtemps que ma mauvaise fortune ; et je crains que la mort ne ferme auparavant les beaux yeux qui me font parler.

Je suis maintenant ici, hélas ! et je veux être ailleurs ; et je voudrais le vouloir davantage, mais je ne peux pas, et je fais tout ce que je peux pour ne pas pouvoir plus.

Et les larmes nouvelles que je répands par suite de mes anciens désirs, prouvent que je suis le même que je suis d’ordinaire ; et que mille changements ne m’ont pas encore changé.


MADRIGAL IV.

Il pousse Amour à se venger de Laure qui, dans son orgueil, méprise son pouvoir.

Or vois, Amour, cette toute jeune dame qui méprise ton empire et n’a souci de mon cœur, et qui entre deux adversaires comme nous est en sûreté. Tu es armé, et elle les cheveux épars, en simple jupon et