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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/134

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Nous prenons place enfin à la table. Des esclaves égyptiens[1] nous versent sur les mains de l’eau de neige[2] ; d’autres suivent qui nous lavent les pieds et nous font les ongles avec une dextérité rare. Et bien loin de s’acquitter en silence de cette fastidieuse besogne, ils s’accompagnaient en chantant.

Il me prit fantaisie de vérifier si toute la domesticité chantait. Je demande donc à boire. L’esclave très empressé qui me sert me gratifie en même temps d’un aigre refrain. Et tous, en donnant ce qu’on leur demandait, en faisaient autant. On pouvait se croire dans un chœur de pantomime plutôt qu’à la table d’un bourgeois.

On apporte alors l’entrée, qui était vraiment somptueuse, car tout le monde était à table, excepté le seul Trimalcion, auquel, de par un usage nouveau, on avait réservé la place d’honneur[3].

Sur le plateau des hors-d’œuvre[4] était un petit âne en bronze de Corinthe portant un bissac qui contenait des olives d’un côté blanches, de l’autre noires. Il avait

  1. Le texte dit des esclaves d’Alexandrie : « C’étaient, dit C. H. de Guerle, les plus recherchés, non seulement parce qu’ils venaient de loin, mais parce qu’ils étaient particulièrement propres aux plaisirs les plus effrénés, et que rien d’infâme ni de vil ne les rebutait.
  2. Sorte d’eau frappée. On faisait fondre de la neige, on la filtrait, puis on la plongeait de nouveau dans la neige pour la rafraîchir ou la frapper. D’après Pline (livre XXXI, ch. 3), c’est Néron qui eut le premier l’idée de ce raffinement. Même il se faisait faire souvent des bains complets d’eau à la neige. (Suétone : Vie de Néron, ch. 27.)
  3. Deux nouveaux impairs à l’actif de Trimalcion : il s’est fait donner la place d’honneur alors que le maître de la maison, sauf quand c’était l’empereur, réservait toujours pour lui-même la dernière place il arrive après que le festin est commencé.
  4. C’était un usage de donner au plateau de hors-d’œuvre (promulsidaris) la forme d’un âne portant un bissac qui tombait sur chaque flanc et où on mettait des olives et autres fruits. Les Grecs appelaient même ces surtouts ίνοο = ânes.