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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/152

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été à un enterrement, celui d’un homme bien gentil, ce brave Chrysanthe, qui vient de rendre l’âme. Hier encore il m’appelait : je me vois encore causant avec lui. Hélas ! nous ne sommes que des outres gonflées de vent qui marchent dans la vie ! Nous sommes moins que des mouches ; elles ont au moins quelques propriétés, tandis que nous, pauvres bulles de savon… Eh quoi ? n’était-il pas assez sobre ? Pendant cinq jours, pas une goutte d’eau, pas une miette de pain ! Et malgré tout, le voilà parti…

Ce sont tous ces médecins qui l’ont perdu, ou plutôt sa mauvaise chance. Car que peuvent au fond les médecins ? ce ne sont guère que des marchands d’espérance.

Enfin, il a eu un bel enterrement ; on l’a porté sur son lit de festin, dans de confortables couvertures, et il a été pleuré tout à fait convenablement ; il avait affranchi quelques esclaves. Aussi sa femme ne pleurait que d’un œil[1]. Qu’eût-ce été s’il n’avait pas été si gentil avec elle ? Mais les femmes, ah ! les femmes ! Elles ont toutes la nature du milan ; leur faire du bien c’est comme si on jetait de l’eau dans un puits pour elles, un amour ancien n’est plus qu’un chancre rongeur. »

XLIII. OU L’ON ENTEND QUELQUES CANCANS.

Alors un certain Phileros déclara : « Occupons-nous des vivants. Votre Chrysanthe a tout ce qu’il mérite ; il a vécu avec honneur, on l’enterre avec honneur… Qu’a-t-il à se plaindre ? Il est parti de rien dans le temps il aurait ramassé un sou avec ses dents sur une merde. Et puis il

  1. Chaque esclave affranchi diminuait en effet d’autant l’héritage.