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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/192

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en or, qu’elle appelait son Félicion[1] : de ce porte-bonheur elle tira deux pendants d’oreille qu’elle fit à son tour admirer à Fortunata : « Grâce à la générosité de mon mari, dit-elle, personne au monde n’en a de plus beaux.

— Parlons-en, dit Habinnas, me voilà totalement ratissé pour que tu aies aux oreilles ces deux fèves en verre ! Sûrement, si jamais j’ai une fille, je commencerai par les lui faire couper. S’il n’y avait pas de femmes au monde, que nous importeraient toutes ces bagatelles ? Mais à notre époque il faut pisser chaud et boire froid, dépenser beaucoup pour obtenir quoi ? un rien. »

Cependant les deux femmes, excitées par le vin, riaient ensemble : bientôt tout à fait ivres, elles se mirent à échanger des baisers Scintilla vante l’activité infatigable de Fortunata, et celle-ci le bonheur de Scintilla et la gentillesse de son mari. Tandis qu’elles se tiennent ainsi enlacées, Habinnas s’approche à pas de loup, saisit les pieds de Fortunata et les met tout droit sur le lit. « Holà là ! » cria-t-elle, en voyant sa tunique retroussée au-dessus du genou, et, s’étant rajustée, elle se jette dans le sein de Scintilla en cachant sous son mouchoir un visage rendu hideux par la rougeur.

LXVIII. INTERMÈDE ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE

Un instant après, Trimalcion donna l’ordre de servir le dessert[2]. Aussitôt les esclaves enlèvent toutes les tables, en apportent d’autres, répandent par terre de la

  1. Son porte-bonheur. Les Romains avaient souvent plus de confiance en ces idoles en miniature que dans les grandes divinités de l’Olympe.
  2. C’est ici le dernier service pour lequel on changeait les tables.