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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/212

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dormait maintenant si profondément qu’on l’eût brûlée vive sans qu’elle le sentît. Et peut-être aurions-nous dû passer la nuit à la porte s’il n’était survenu un messager de Trimalcion, riche lui-même, puisqu’il avait dix chariots lui appartenant. Il ne perdit pas son temps à faire du bruit, mais enfonça la porte de l’auberge et nous fit entrer par la même ouverture. ‘ Je ne fus pas plus tôt dans ma chambre que je me mis au lit avec mon petit ami ; et, ayant richement dîné, dévoré d’ardeurs érotiques, je me plongeai tout entier dans un abîme de voluptés. ’

Quelle nuit ce fut là, dieux et déesses !
Quels doux enlacements ! Nous serrant, brûlant de fièvre,
Nous répandions ça et là en baisers
Nos âmes errant sur nos lèvres. Foin des soucis
Qui tuent : c’est là qu’on apprend à mourir !

J’avais tort de me croire heureux. Car tandis que, lourd de vin, je laisse échapper mon Giton de mes bras sans vigueur, Ascylte, toujours attentif à me nuire, me le subtilise et l’emporte dans son lit.

Il s’accoupla en toute liberté avec mon ami — non le sien — qui, insensible à l’injure ou feignant de l’être, s’endort dans des bras étrangers, oublieux de tous les droits humains.

Quant à moi, à mon réveil je cherche du geste dans mon lit dépouillé l’objet de mes vœux ; au nom de la fidélité en amour, j’avais bien envie, en les traversant tous deux de mon épée, de les faire passer du sommeil à la mort.

Enfin, prenant un parti moins dangereux, je réveillai Giton par quelques soufflets. Puis, jetant à Ascylte un regard torve : « Puisque, lui dis-je, scélérat sans foi ni loi, tu as violé les lois de l’amitié, prends vite tes affaires et va-t’en chercher un autre endroit à salir. » Il ne protesta