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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/240

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XCIX. OU EUMOLPE, APRÈS UNE PROFESSION DE FOI ÉPICURIENNE, PARDONNE A ENCOLPE

« Pour moi, toujours et partout, j’ai vécu chaque jour comme si le soleil qui se lève était le dernier dont j’aie à jouir : « j’ai donc vécu tranquille. Si vous voulez m’imiter, écartez tout ceci. Cet Ascylte vous poursuit. Fuyez-le. Je suis sur le point de partir pour un pays lointain, suivez-moi. Je m’embarquerai comme passager sur un navire qui partira sans doute la nuit prochaine ; j’y suis parfaitement connu et nous y serons reçus par faveur. »

Le conseil me parut sage et utile il m’arrachait aux persécutions d’Ascylte ; il me promettait une vie plus heureuse. Vaincu par la générosité d’Eumolpe, j’étais navré de l’avoir mal jugé et maltraité, et je me repentais amèrement de cette maudite jalousie, cause de tant de maux.’ Tout en larmes, je le suppliai de me rendre son amitié : « Celui qui aime, lui dis-je, n’est pas maître de cette furieuse passion, mais je ferai tous mes efforts pour ne rien dire et ne rien faire désormais qui puisse vous déplaire. Bannissez donc, en vrai maître ès lettres, tous ces mauvais souvenirs comme une lèpre disparue sans laisser de cicatrices. La neige tient plus longtemps dans les terrains incultes et raboteux, mais sur le sol ameubli qu’a dompté la charrue, elle fond en un clin d’œil comme une gelée blanche. Telle la colère dans les cœurs : elle obsède un esprit grossier, elle effleure à peine une âme cultivée. »

— Pour ne pas te contredire, dit Eumolpe, c’est en t’embrassant que je clos l’incident. Et maintenant, pour que tout marche bien, faites vos paquets et suivez-moi, ou, si vous préférez, marchez devant. »