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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/252

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matelots que, sans parler, il suppliait du regard, quand les femmes s’écrièrent en chœur : « C’est Giton, c’est Giton ! Arrêtez-vous, barbares c’est Giton, madame, secourez-le ! » Tryphène prête à ces cris une oreille docile et, du reste, convaincue d’avance, vole à la hâte vers l’enfant.

Lycas m’avait très bien reconnu, comme si lui aussi avait entendu ma voix. Il accourt à son tour : il ne regarda ni mes mains ni ma figure, mais sa vue se fixa immédiatement sur mon braquemart que, de sa main officieuse, il soupesa, et aussitôt : « Bonjour, dit-il, Encolpe ! » Et l’on s’étonnera que la nourrice d’Ulysse ait trouvé à vingt ans de distance la cicatrice signe de sa noble origine, alors que cet habile homme, sans se laisser dérouter par mon déguisement, alla, avec tant de perspicacité, tout droit au signalement authentique de son fugitif.

Tryphène versait des torrents de larmes, s’apitoyait sur notre sort : elle croyait, en effet, que les marques imprimées sur nos fronts étaient vraies, et elle se mit à nous demander tout bas dans quelle prison nous avions été jetés comme vagabonds et quel bourreau avait été assez cruels pour nous infliger ce supplice. « Vous méritez bien un châtiment, dit-elle, vous qui m’avez fui, dédaignant les bienfaits dont vous comblait mon amour. »

CVI. ENCOLPE ET GITON VONT-ILS ENFIN EXPIER LEURS FORFAITS ?

Transporté de colère, Lycas éclata : « Pauvre femme, dit-il, comment pouvez-vous être assez simple pour croire ces lettres marquées au fer chaud ! Plût au Ciel que les marques qui souillent leurs fronts fussent véritables. Ce serait pour nous une suprême consolation. Mais on