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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/290

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une coiffure en aigrette ; ses sourcils immenses allaient se perdre dans la ligne des joues et s’unissaient presque aux confins des deux yeux. Son regard était plus clair que les étoiles dans une nuit sans lune, ses narines délicatement infléchies et sa bouche mignonne telle que Praxitèle se figurait celle de Vénus. Et un menton, un cou, des mains, des pieds dont la blancheur, qui aurait éteint l’éclat du marbre de Paros, se trouvait encore rehaussée par un frêle réseau d’or ! C’est pourquoi, ce jour-là, pour la première fois, Doris, mes vieilles amours, je vous ai méprisée[1] !

Qu’y a-t-il, que tu jettes ainsi tes armes, Jupiter,
Et que tu te taises, quand, nonobstant leur silence, tu te sais la fable des Immortels.
C’était pourtant le jour de laisser pousser les cornes sur ton front sévère,
De dissimuler sous la blanche plume les cheveux blancs.
La voici bien, la vraie Danaé. Essaie seulement de toucher ce beau corps :
Aussitôt tes membres déborderont d’ardeurs incendiaires.

CXXVII. GALANT ENTRETIEN DE CIRCÉ ET DE POLYÆNOS

Charmée, elle me sourit aimablement ; on eût dit la lune dans son plein apparaissant tout à coup à travers un nuage. Puis, ses doigts scandant les mots : « Si vous ne méprisez pas, dit-elle, une femme du monde qui, il y a un an, ne savait pas encore ce que c’est qu’un homme, je veux bien devenir votre sœur. Je le sais, vous avez déjà un frère ; je ne rougis pas de l’avouer, je me suis renseignée à cet égard ; mais qui vous empêche d’avoir aussi une sœur ? Je ne demande qu’à vivre avec lui sur le pied d’égalité. Et maintenant vous pourrez, quand il vous plaira, connaître le goût de mon baiser.

— C’est bien plutôt moi, lui dis-je, qui viens vous conjurer, par votre beauté, de daigner admettre au nombre

  1. Ce portrait d’une beauté a la mode est sans doute une parodie de quelque roman : les traits en sont forcés.