Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/305

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haut de la bouilloire et éteint le feu qui commençait à prendre. Elle se brûle même le coude à un charbon ardent et s’inonde tout le visage de cendre chaude. Je me lève effrayé, et je remets la vieille sur ses jambes, non sans rire de sa mésaventure. Mais aussitôt, pour ne pas retarder le sacrifice, elle court chercher du feu chez une voisine.

Elle était à peine sortie que trois oies sacrées, qui, à ce que je supposai, recevaient leur nourriture de la vieille au milieu du jour, se jettent sur moi et m’entourent tout tremblant en poussant des cris affreux qu’on aurait pris pour des hurlements de rage ; l’une déchire ma robe, l’autre détache le cordon de mon soulier et tire dessus, la troisième, qui semblait leur chef et qui était en tout cas leur maître en cruauté, ne balança pas à me mordre la jambe de son bec en dents de scie. Sans m’arrêter aux demi-mesures, j’arrache un des pieds de la table ; de ma main ainsi armée, je me mets à frapper le belliqueux volatile et d’un coup bien asséné je l’étends mort à mes pieds.

Tels les oiseaux de Slymphale, cédant à la ruse d’Hercule,
Durent fuir vers le ciel, telles, bavant le venin,
Les harpies, quand elles mouillèrent de ce poison
Le repas trompeur de Phinée… L’éther effrayé frémit
De plaintes inconnues et dans les lointaines demeures célestes
‘ On put voir les portes d’or vaciller sur leurs gonds. ’

Cependant les deux autres oies avaient avalé toutes les fèves qui, tombées par terre, avaient roulé sur le plancher ; après quoi, affectées, à ce que je supposai, de la mort de leur chef, elles se retirèrent dans le temple. Quant à moi, ravi et de ma vengeance et de mon butin, je jette l’oie morte derrière le lit et je lave avec du vinaigre la légère blessure que j’avais à la jambe. Puis, craignant les reproches de la vieille, je forme le projet de me sauver ; je ramasse donc mes effets et me dispose à prendre la porte.

Mais je n’avais pas franchi le seuil que j’aperçois Œno-