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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/307

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en croix. En outre, par ce meurtre, tu as souillé de sang ma demeure, jusqu’à ce jour inviolée. Et ainsi tu as fait que tout ennemi qui voudra s’en donner la peine n’aura qu’un mot à dire pour que je sois chassée du sacerdoce. »

Elle dit, et de son chef tremblant arrache les cheveux blancs ;
Ses ongles déchirent ses joues ; une pluie de larmes ne manqua pas à la fête ;
Tel le fleuve indomptable roule à travers les vallées
Quand les neiges gelées se mettent à fondre, et que l’Auster alangui
Ne veut plus souffrir qu’il subsiste de glace sur la terre délivrée ;
Ainsi un torrent à grand flots inonda sa face,
Et sa poitrine soulevée par les sanglots fit entendre un gémissement.

« Je vous en prie, lui répondis-je, ne criez pas ainsi, je vous ai pris une oie, je vous rendrai une autruche. » Mais, assise sur le lit, elle s’obstine à pleurer sur le trépas de son oie.

J’étais dans le plus grand embarras, quand entre Proselenos, apportant l’argent nécessaire pour le sacrifice. Elle voit l’oie morte, s’enquiert de la cause de notre tristesse et se met à pleurer plus fort que l’autre vieille et à s’apitoyer sur mon sort : c’était à croire, ma parole, que j’avais tué mon père et non une oie nourrie aux frais du public.

Enfin, en ayant assez de cette lamentable histoire : « Voyons, m’écriai-je, je pourrais me racheter à prix d’argent si je vous avais attaquées, si même je m’étais rendu coupable d’un homicide. Eh bien, je pose sur cette table deux pièces d’or ; vous pouvez avec cet argent acheter et les dieux et des oies. » A la vue du vil métal, Œnothée se calma : « Pardonnez-moi, jeune homme, dit-elle : c’est pour vous que j’étais inquiète. Je vous donnais une preuve d’intérêt, non de méchanceté. Je vais m’arranger pour que personne ne sache rien de cette affaire. Quant à vous, priez seulement les dieux qu’ils vous pardonnent. »