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Page:Petrone - Satyricon, trad. de langle, 1923.djvu/44

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L'ŒUVRE DE PÉTRONE

ouvrage, elle semât avec esprit et les vers et la prose[1], on lui pardonna de ne plus médire en dépit de son changement, elle resta Ménippée. Cette satyre n’est donc point essentiellement mordante. Celle même de Varron, quoique plus proche de son origine, montre rarement le vice couvert de ridicule ou d’opprobre. Sa philosophie badine plus qu’elle ne dogmatise ; elle cache sous les fleurs les épines de l’érudition, et ses leçons de morale, elle ne les donne qu’en se jouant. La satyre chez Pétrone est encore plus indulgente. Ne cherchez pas en elle un pédagogue : enfant gâté d’Epicure, sa malignité s’endort auprès du vice aimable ; craignez qu’elle ne s’éveille aux sermons de la sagesse. Près de Pétrone, l’âne d’Apulée est un Caton. Il censura fort bien les travers de son siècle ; cependant, il n’a pas l’honneur de siéger parmi les satyriques. Cet âne, content de parler mieux que certains hommes, négligea d’employer le langage des dieux ; et, je l’ai déjà dit, il n’est point de Ménippées sans le mélange de la prose et des vers.

« Pétrone ne pouvait choisir pour son roman une forme de composition plus variée, plus agréable que celle de la Ménippée ; aussi n’y manqua-t-il point, et voilà sans doute tout le mystère du Satyricon[2]. Quant à la désinence du mot, les Latins, selon Gonsalle de Sallas, ont fait satyricon de satyra, comme ils faisaient épigrammation d’épigramma, elegidarion d’elegia ; le diminutif ne changeait rien d’essentiel dans l’objet principal de l’expression, il annonçait seulement dans le dérivé moins de prétention et plus d’enjouement. Peut-être aimeriez-vous mieux la leçon de Rollin, Baillet, Burmann et autres ils font longue la dernière du

  1. Elle admet aussi, comme le fait remarquer M. Collignon, « le mélange des termes nobles et du langage populaire », et « autorise l’imitation de beaucoup de styles divers ».
  2. La grande originalité de Pétrone, dit M. Collignon, nous paraît consister… à avoir emprunté le cadre de l’ancienne Ménippée pour y faire entrer un genre nouveau (le roman de mœurs). (Collignon, Étude sur Pétrone, Paris, 1892, p. 20.)