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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/106

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« Toutefois, je vous demanderai la permission de me présenter moi-même, chez vous, tant est vif mon désir de connaître et de féliciter inimitable auteur de cette Thérèse, qui m’a fait verser de si douces larmes… »

Signé, cette fois, Louise de Bléry.

Il nous est très difficile de refuser tout à fait notre porte, nous autres malheureux fabricants d’histoires d’amour qui faisons saigner parfois des cœurs, en racontant, sans le savoir, leurs passions lamentables et leurs douleurs secrètes. On vient nous crier : « Merci vous m’ayez soulagée en m’aidant à pleurer ma peine », ou bien : « Vous me connaissez donc ? » ou bien encore on vient confesser une faute, un amour, raconter un drame qui semble plus beau que tous les autres, parce qu’on l’a soi-même vécu, et l’on vous dit : « Ecrivez cela, et vous verrez ! »

Il faut bien écouter ! Je répondis à Mme de Bléry que je la recevrais.

Et voici comment se passa cette entrevue qui devait à jamais fixer ma destinée…

Lorsque j’entrais dans le salon où cette personne m’attendait, je ne vis d’abord qu’une silhouette élégante de femme bien costumée, drôlement campée à contre-jour, et masquée d’une voilette qui achevait de me dérober ses traits.

Je m’avançai, elle ne bougeait point, ses yeux demeuraient fixés sur moi, la prunelle étincelante dans un blanc éclatant, un regard de nègre.

Tout à coup, elle se jeta vers moi, me saisit les mains, me fit volter, se plaçant, elle, en pleine lumière, et s’écria :

— Tu ne me reconnais donc pas !

— Loulou !… Louise !…

— C’est heureux !…