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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/120

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de vue sentimental. En résumé, un homme fort, sain, bien équilibré comme elle, raisonnant tous ses actes, et suivant une ligne de conduite absolue et parfaitement correcte.

Elle conclut en disant :

— Si celui-là fait jamais une bêtise, cela me surprendra…

J’insistai :

— Veux-tu dire qu’il serait incapable de perdre son temps dans une affection… sans espoir ?

— Pourquoi, sans espoir ? me dit-elle un peu dédaigneuse. Que signifie cette réticence de petite bourgeoise de province qui n’a lu que des romans bêtes ? Est-ce que l’on ne peut pas tout espérer de la vie, même l’impossible ? Celui qui n’espère rien, n’a rien. Et celui qui espère quand même, arrive le plus souvent à son but. Désirer, c’est vouloir, et la volonté est un effort auquel toute puissance obéit.

Je répondis, un peu piquée :

— Il y a des obstacles devant lesquels la volonté la plus obstinée peut s’arrêter, vaincue.

— Tu en connais, toi ? me dit-elle avec une impertinence railleuse.

Puis, soudain, éclatant de rire :

— C’est vrai, j’oubliais que tu fais des romans. Et je parie que tu imagines les vivre ! Alors tu crois que c’est arrivé, tous les beaux sentiments que tu nous racontes ? Naïve, va ! imaginative plutôt, et poète, qui te plais à ajouter à la vie les astragales et les festons d’un décor chimérique et vain. Ma petite, la vie est beaucoup plus simple que tout cela ; tu t’en apercevras à l’user.

Je n’avais pas revu Paul. Un jour, Louise me l’amena.