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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/143

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Au dessert on nous servit d’un champagne rose très délicat, mais un peu fou.

— Comme chez nous ! dit Louise, en levant son verre : A la joie de vos accordailles !

Je commençais à peine à goûter la mousse qui chantait au bord de ma coupe, lorsque Paul se leva soudain, et m’embrassa sur les deux joues, en répétant gaiement :

— Comme chez nous !

Tandis que je demeurais les yeux grands, et toute secouée de cette hardiesse inattendue, Louise partit d’un beau rire de moquerie :

— Sais-tu, me dit-elle, tu as l’air d’une grande pensionnaire, avec ta rougeur et ton effarement !

Puis, devenant sérieuse :

— Tu me plais ainsi, d’ailleurs : cela me change de nos jeunes « fin de siècle ». C’est pourtant vrai qu’à force de voir et d’entendre ces effrontées caillettes des five o’clock, qui bourdonnent comme des mouches et font mine d’écarter leurs ailes à tout venant, on éprouve l’envie de retrouver les prudes et les Agnès du répertoire.

— Moque-toi de moi, murmurai-je, si confuse que j’en aurais voulu pleurer.

Et je me sentais même très en colère de m’entendre traiter comme une petite fille et comme une niaise, avec mes vingt-huit ans et ma maternité déjà lointaine et l’importance que je me voulais attribuer, en ce moment, pour la valeur de mes travaux.

Une révolte me poussait à m’écrier : « Vous en prenez trop à votre aise à la fin ! »

Puis une lassitude survint, avec le pressentiment d’une lutte inutile.

D’ailleurs, puisque l’on m’aimait, qu’avais-je à me