Aller au contenu

Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passe à sa portée, voilà l’unique désir de l’homme ; et toute femme qui lui résiste sera brisée.

« Voilà ce que j’ai voulu dire, madame, et je l’ai dit, l’horreur dans l’âme, et je le crierai de toutes mes forces, jusqu’à ce que l’on m’ait entendue.

« Je sais bien qu’à ce train-là, je cours le risque de me faire exclure de toutes les publications dirigées par des hommes ; et c’est pour cela que j’étais allée vers vous. Mais qu’importe ! j’ai la conviction de faire le bien ; je me sens vouée à une œuvre ; je la poursuivrai jusqu’au bout, quoi qu’il advienne. »

— Eh bien, tu n’es pas tendre, toi ! exclama plaisamment Louise. Ah ! ma chère, puisses-tu ne pas apprendre à tes dépens que toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire.

— Je le sais déjà. Mais vois-tu, je n’aurais jamais le courage d’écrire une ligne — moi qui ne comprends pas la femme en dehors de son œuvre de ménagère, l’aiguille dans les doigts, quand ses doigts ne sont pas croisés pour la prière — si je ne m’exaltais, à défendre une cause, à faire prévaloir une idée de justice, de morale ou de sentiment. Et, je l’avoue à ma honte, la question d’art est quelquefois subordonnée à la vérité brutale, à moins que l’art lui-même ne me serve à rendre plus précis et plus étincelants les arguments dont je me sers ; comme des pierreries au pommeau d’une épée, qui sont inutiles pour la blessure, mais dont l’éclat fascine et charme le regard ennemi.

— Quelqu’un ne te demandait-il pas, un jour, devant moi, la genèse de tes œuvres ? Tu viens de la donner là et je te remercie du document, prononça, sérieusement cette fois Mme de Bléry. Mais si nous revenions à M. de Labut et à son déjeuner ?

— Je t’ai répondu…