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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/205

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— Ne blasphémez pas l’amour, mon amie.

— De l’amour, cela !… C’est vous qui blasphémez.

— L’amour sans désir n’est que de l’amitié, Sylvère ! Et je vous adore passionnément.

— Jusqu’à faire de moi votre maîtresse, n’est-ce pas ?

— Pourquoi pas ? répliqua-t-il franchement. La très pure maîtresse d’un très honnête homme peut être la plus digne et la plus respectée des femmes. Croyez-vous que je vous traiterais avec moins de vénération parce que vous seriez mienne ? Mais c’est le contraire qui est vrai. Vous ne connaissez rien de l’homme : la femme sainte, pour nous, et fût-elle parfois infame, c’est celle qui nous appartient.

Il se tut ; alors elle prononça avec un effort douloureux :

— Il y a des femmes qui peuvent se donner… Je les envie, parfois ! moi je ne peux pas !…

— Parce que vous n’aimez pas ; parce que j’ai ce malheur de n’avoir pu exalter en vous ce besoin passionné de sacrifice qui fait tomber les femmes les plus chastes dans les bras suppliants qui les implorent. Et puis, aussi, cela tient à d’autres causes dont vous êtes, sans doute, irresponsable. Même dans le mariage, je ne serais pas heureux…, acheva-t-il plus bas.

Elle cria naïvement :

— Pourquoi ?

Il se rapprocha, sans la toucher, penché vers elle, cherchant de son regard le contact de ses yeux au luisant d’or, si près qu’il caressait de son haleine la bouche attentive, doucement ouverte, au souffle chaud, et il murmura :

— Vos sens dorment, vous êtes un beau marbre insexué. Votre chair est sans désir ; rien en vous de la