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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/207

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cruelles revenait, comme une révolte, à sa pensée.

Mais, pour la première fois, elle consentait à regarder le problème en face, prête à le discuter avant de le résoudre. Si elle s’était trompée ? Si c’était elle qui avait tort dans sa conception de la vie ? La vie, cette énigme !

La lampe était posée sur la table de travail de Sylvère. Lentement, elle se rapprocha de cette lueur qui éclairait falotement les carrés blêmes du papier aligné attendant la noire pluie des mots, le ruissellement des phrases.

Il se dégageait de cet arrangement une habitude d’esprit, l’accoutumance de la pensée écrite, de l’émotion concrétée, coulée là, en un verbe sonore, rythmique et bref, ou languissamment traînée, comme une robe emperlée qui bruit en cadence, à chaque pas rêveur.

Sylvère s’assit, fit distraitement tournoyer dans ses doigts enfiévrés par des morsures demeurées énervantes, le rouleau nacré de sa plume ; et, déjà engourdie par l’envoûtement de l’art, sa personnalité lentement noyée en le thème élargi de l’idée générale, elle oublia son « ego » souffreteux dans l’ivresse de la mensongère invention dont les délices ou la détresse dépassaient en intensité toute la superbe et toutes les misères de la réelle vie.




Une semaine entière s’écoula sans que Paul Ruper se fût présenté chez Mme du Parclet. Louise, interrogée par Sylvère, avait répondu évasivement. Elle-même, disait-elle, n’avait pas revu son frère, mais elle le savait très occupé à quelque lancement d’affaire financière.