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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/212

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— Vous m’en voulez ? avouez-le.

— Non, j’ai de la peine, simplement.

— Cela vous va joliment bien d’avoir de la peine ? Vous êtes adorablement belle ! Allons, ne vous fâchez pas et soyez raisonnable. Je ne demande pas mieux que de vous obliger, vous le savez bien !

Sylvère crispait ses mains dans son manchon ; elle en déchiquetait la doublure satinée, mais elle parvenait à demeurer assise, calme, le regard tranquille.

Alors de Labut se mit à parler de choses diverses, étrangères à leur sujet. On eût dit que Sylvère était là pour une visite banale. Cependant, comme elle répondait rarement, il bavardait beaucoup, à l’étourdie. Elle qui n’avait qu’une pensée, et si douloureuse, il l’obligeait à paraître s’intéresser à son verbiage. Et, quelquefois, d’un sourire pâle, elle lui répondait, mais si oppressée que son souffle court lui battait rapidement la gorge.

De Labut ne pouvait pas ne pas s’apercevoir de cette torture. Même on eût dit qu’il en calculait l’effet et en mesurait la puissance nerveuse.

Tout a coup, il dit, après une adroite transition sur l’art pictural :

— Je parie que vous ne connaissez pas le portrait d’Alfred de Musset par Delacroix ?

— Non, répondit Sylvère, d’un air poliment intéressé.

— Oh ! c’est une merveille. Il date de la même époque que celui de George Sand, également par Delacroix. Mais il est plus inconnu. Le portrait de Mme Sand est chez M. Turmal, qui voudrait bien celui-ci ; mais je ne m’en séparerai a aucun prix. Voulez-vous le voir ? Il est là.

Et de Labut s’était levé.