Aller au contenu

Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il la suppliait d’être son âme inspiratrice, de l’aider dans sa tâche patriotique. Il lui montrait le bien qu’elle pourrait faire, toute puissante comme elle le serait sur lui et sur tous. Quel rôle pour une femme supérieure ! Et quelle revanche à prendre sur la destinée…

Il la transportait sur la montagne de ses ambitieuses visées, et, lui montrant le monde à ses pieds, il lui laissait entendre :

— Tout cela sera à toi, si tu le veux !…

Jamais femme ne lui avait tant coûté. Mais il commençait à être au bout de ses arguments. Et Sylvère ne se rendait pas. Cela devenait inouï. Il en ressentit un tel coup de désir, qu’en sa folie, il parla du divorce possible qui les rendrait libres tous les deux. Il lui aurait promis l’empire d’Allemagne. Et d’ailleurs, il le promettait. Mais elle ne paraissait point troublée ; songeuse seulement. A vrai dire, elle pensait ceci :

— Si pourtant le destin l’avait voulu, c’est celui-là que j’aurais aimé, et alors !…

Une songerie rapide l’emporta, tandis qu’elle soupirait faiblement.

Le colonel perdit la tête à ce halètement doux dont la signification lui échappait. Se rapprochant, il respira ce souffle capiteux en lequel stridaient, au fond de l’haleine parfumée, le ressouvenir des dragées et l’arôme affolant des épices.

Soudain, d’un bras adroit, il étreignit le buste de Sylvère, puis, de ses doigts, lui harponnant la nuque, il souleva la jeune femme, la jeta sur lui, et lui effleura la bouche de ses lèvres ardentes.

Mais elle se tordait ; alors, il desserra son étreinte, en murmurant, essoufflé :