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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/315

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— Le travail vous console, vous autres qui vivez surtout de vos créations fictives. Travaille donc !

— Non ; maintenant cela m’écœure. Ce que je voudrais dire, ce sont des vérités brutales, présentées avec un grand art. Mais pour cela, il faudrait avoir du temps et de l’argent à perdre. Tout le reste m’ennuie. C’est labourer un champ pour y semer du blé. Or, tout le monde peut faire pousser du blé. L’important c’est de bien vendre sa récolte. Et je n’entends rien au commerce, ce dernier mot de notre art, à la vente, ce criterium du talent. Je ne me vois pas transportant, de bureau en bureau, les échantillons de ma marchandise. D’autant que si elle s’éloigne un peu du genre convenu de la production courante, on me répondra que « le public ne demande pas cela ». Comme si le public demandait quelque chose !… Il avale tout pourvu qu’on lui répète, avec une certaine insistance, que c’est bon, très bon.

— Oui ; et c’est le rôle de la réclame.

— Justement. Tu avoues donc qu’avant de songer à faire de l’art, il faut passer chez le colleur d’affiches, traiter avec la grosse caisse, et ne pas lésiner avec le fournisseur du boniment ?

— Hélas !

— Eh bien ! non, je ne peux pas, et j’aimerais mieux ravauder des bas ou de la dentelle dans une échoppe au coin d’une rue, ou bien encore…

— Quoi ? mauvaise tête !

— Rien.

— Si, tu médites quelque chose.

— Peuh ! Je pensais simplement que le métier de catin avait du bon…

— Sylvère !…

— Et que, ma foi, très raisonnablement, c’était là