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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/320

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Et les indulgences souriantes s’étendirent comme un voile sur ce caprice souverain.

Chez la marquise de B…, qui fermait ses salons après cette tardive soirée, les invités s’informaient tout de suite, en arrivant :

— Viendra-t-il ?

La marquise souriait, un peu pâle toutefois. Que penserait-on, si Baringer, qu’elle avait annoncé, ne paraissait pas ? Cependant toutes les invitations qu’il lui avait demandées étaient lancées. Et la plus grande partie des gens qui circulaient du haut en bas de son hôtel des Champs-Elysées, lui étaient complétement inconnus. Mais il suffisait, en la saluant, de lui demander d’une voix blanche de conspirateur, « viendra-t-il ? » ou « est-il arrivé ? » pour qu’elle tendît la main avec un accueillant et mystérieux sourire.

Dans cette cohue, les familiers de la marquise s’étaient ralliés et réunis dans le grand hall du rez-de-chaussée que traversait la foule pour accéder aux salons du premier étage, par le large et bel escalier à galerie qui contournait le hall.

Et c’était, sur les premiers rangs de chaises, l’assemblage un peu clinquant des mondaines, qui singent mal les cocodettes de l’Empire, mêlé aux femmes, que la politique moderne a tirées de la petite bourgeoisie pour en faire des personnes officielles et dépaysées.

C’était aussi le monde accidenté du journalisme, des lettres, des arts, aristocratie nouvelle, surgie de tous les groupements sociaux, au hasard du génie ou de l’intrigue ; monde disparate par l’éducation, semblable quant à l’importance. D’étranges promiscuités réunissaient là des femmes très diverses par la naissance, la fortune et la réputation.