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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/335

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Et il arrive souvent que, s’en remettant au hasard du soin de ses impénétrables destinées, il se lève soudain et suit le premier voyageur qui passe.




Le jour commence à peine ; ses premières clartés font pâlir les lumières éparses dans l’appartement bouleversé de Sylvère.

A travers les chambres, des malles sont ouvertes, déjà à demi remplies, avec ce désordre des choses arrachées, jetées, froissées, comme dans la hâte d’un incendie. Depuis qu’elle est rentrée de cette fête chez la marquise, Sylvère ne s’est pas arrêtée. L’épouvante qui s’est emparée d’elle la pousse, et un seul désir l’anime : fuir ! Tous ses efforts, toute sa colère, toute son audace ont abouli à cela : se sauver. Aucune réflexion ne lui vient : elle obéit, comme une bête traquée, à l’impulsion instinctive. Elle court, se précipite, avec des terreurs de l’heure qui s’écoule, du jour qui vient.

— Lorsque cette journée s’achèvera, pense Sylvère je serai très loin.

Et cette pensée lui donne la sensation d’une aspiration d’air pur, qu’elle semble boire, et qui la fait revivre.

Oh ! être loin ! Ne plus marcher dans cette boue ! Ne plus retrouver la femme qu’elle a été pendant cette nuit odieuse, l’oublier, ne s’en ressouvenir jamais !…

C’est fini : sur les malles gonflées, les couvercles tombent. Alors seulement, elle songe qu’il faut écrire, sur ces malles, une adresse ! Laquelle ?

Et Sylvère, alors, se ressouvient : elle est seule au monde et sans ressources. Où ira-t-elle ? Fuir, c’est bien. Mais vers quel abri ? En quel lieu de la terre