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Page:Peyrebrune - Le Roman d un bas bleu 1892.djvu/64

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prends pas ! Elle avait l’air de savoir bien des choses, tout peut-être ! Et elle parle du bonheur dans le mariage !… Quoi ! le bonheur, ce martyre, ce supplice, cette épouvante !… Être meurtrie, assassinée, le bonheur !…

Et j’ai crié au secours et personne n’est venu !… Oh ! grand’mère !… Et j’ai voulu m’enfuir et il m’a dit : Sylvère, Dieu vous ordonne de rester et de m’obéir… Je me suis rappelé les saintes qu’on livrait dans l’arène aux bêtes fauves, et j’ai récité mon chapelet en attendant la mort… Pourquoi ne suis-je pas morte ?… Il m’a dit : on n’en meurt pas. Mais, lui ai-je demandé, en expiation de quelle faute dois-je endurer ce supplice ? Il m’a dit : — Ce n’est pas un supplice, c’est une fonction. Voulez-vous être mère ? — Oh ! certes je le veux. — Eh bien…

Alors je vais être mère, je le suis.

Je comprends, maintenant, quand on dit que les enfants coûtent cher ! Si j’avais su !… oh ! si j’avais su !… Emmeline a raison : le couvent !… Et grand’mère qui savait cela et qui ne me l’a pas dit !…

Toute ma vie, si longue soit-elle, je n’oublierai jamais les affres torturantes de cette nuit cruelle, unique, Dieu merci ! Je n’aurai qu’un enfant, voilà tout !… un enfant ! Il est là maintenant ! Je suis enceinte ! Sera-ce une fille ?… Je vais m’occuper de la layette.

Et dans ces songeries, l’un à l’autre cachées, les heures lentes passaient.


Vers le soir, Jules Maurine, cherchant sa femme, la trouva installée au frais d’une charmille, affairée à coudre et découper des linges fins, très blancs, de forme bizarre.

Il l’embrassa sur le cou — elle avait obtenu qu’il