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Page:Pfeiffer - Voyage d une femme autour du monde, trad. de Suckau, Hachette, 1859.djvu/101

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fiante, et même sans témoins. Aussi cette scène rapide ne parut pas faire plus d’effet sur le pauvre jeune homme qu’elle n’en aurait fait à un nouveau-né. Je crois que ni lui ni sa mère n’avaient idée de l’importance de cet acte.

Le prêtre dit ensuite rapidement la messe et bénit le mort, qui, soit dit en passant, appartenait à une famille assez aisée, et à qui, par cette raison, on fit des obsèques convenables. Mais quand on voulut le déposer dans la tombe, elle se trouva trop courte et trop étroite. On poussa, on pressa le cercueil dans tous les sens, de sorte que je m’attendais à le voir s’ouvrir, et le mort rouler sur le sol. Mais tous les efforts furent inutiles. Après plusieurs tentatives infructueuses, il fallut mettre le cercueil de côté et agrandir la fosse, ce qui ne se fit pas sans grommeler et sans proférer plus d’un juron.

Enfin, toutes ces tristes cérémonies étant finies, je retournai chez moi, et, après avoir fait un bon déjeuner à la fourchette en compagnie du prêtre, je me mis en route avec mon guide noir. Nous traversâmes à cheval une longue vallée bordée de deux superbes forêts, et nous passâmes deux fleuves, le Parahyby et le Pimba, dans des troncs d’arbres creusés. Il fallut payer un milreis pour chacun de ces misérables passages, qui offraient en outre de grands dangers, moins à cause du courant et de la petitesse de la barque qu’à cause de nos montures, qui tenues par le licou, nageaient à côté du bateau et souvent en approchaient si près, que je craignais de le voir chavirer.

Après avoir fait 3 leguas, nous arrivâmes au dernier établissement des blancs[1]. Sur une place découverte, conquise avec peine sur la forêt primitive, s’élevait une assez grande maison en bois, entourée de quelques misérables chaumières. La maison servait de demeure aux

  1. On n’entend pas seulement par blancs les Européens nouvellement émigrés, mais aussi les portugais établis dans le pays depuis quelques siècles.