Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/154

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

locataire l’avait oublié là et, dans un mouvement d’honnêteté, prévenir la patronne de l’hôtel et rendre l’argent. Elle trouva bien mieux et plus simple, l’enveloppa dans son mouchoir et mit celui-ci au linge sale.

C’est ainsi qu’elle menait sa vie en deux fois. Elle avait Raphaël et le connaissait comme on connaît ses mains, comme on connaît ses pieds et ne s’apercevait même pas qu’il la portait sur la route. Mais, pour l’autre, il avait un nom presque noble et s’appelait Maurice Delavallée. Et il s’accompagnait encore de toutes sortes de jeux : ceux de l’après-midi avec les voitures, le plaisir que connaissent les enfants dans la journée du jeudi pendant laquelle ils ne vont pas en classe. Et l’on pouvait auprès de lui penser au Congo, se bercer sur l’Océan pour toute la durée du voyage et débarquer enfin dans la rade, au pied des premiers coteaux d’un pays. Elle se rappela la Case de l’Oncle Tom, qui l’avait fait pleurer un jour lorsqu’elle était enfant et se réjouit à la pensée d’avoir au moins trente esclaves. Et tout cela la faisait encore rêver à « l’idéal ».