Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/205

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— Je ne te vois plus, disait-il.

Ils déjeunaient sur une petite table, l’un auprès de l’autre, avec un resserrement des coudes, quelque chose d’inhabitué dans leurs gestes, quelque chose qui soudain s’échappait de leur cœur. Marie parlait :

— Alors voilà. Tu m’avais dit : Je n’ai jamais pu vivre avec les autres… Je pensais : Ça y est. Il ne pourra jamais vivre avec moi.

Jean répondait :

— Je ne savais pas, je me disais : Il n’y a pas de femmes, ou bien, s’il y en a, c’est qu’elles ne sont pas dignes de moi. Pendant longtemps j’ai pensé aux boiteuses. N’est-ce pas, les boiteuses sont tristes, alors elles sont intelligentes comme lorsqu’on est triste et puis elles ont besoin d’être consolées. J’avais besoin d’être malade dans la vie, j’avais besoin que la vie fût malade aussi et de consoler tous ceux qu’elle eût pu toucher.

— Mon petit homme !… disait Marie.

Alors elle se levait, marchait dans la chambre, se désarticulait autant qu’elle le pouvait faire et imitait les boiteuses.