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Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/213

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s’en alimenter. Elle s’étendait, avec sa tête, avec ses bras, avec ses seins, avec un mystère que l’on découvrait par places et qui se reformait par ailleurs. Une fois, Jean lui en parla :

— Quand j’allais en classe, je dessinais les continents et toutes les îles de la Terre. Il y avait des noms clairs et des formes si tendres que, lorsque je les passais au pastel, il me semblait passer un pastel sur mon cœur. Je m’arrêtais quelque part, en Océanie, sur une île autour de laquelle je teintais la mer en bleu. Et je pensais : « C’est ici que je veux vivre. Le ciel y ferait dans ma tête un bonheur comme au-dessus des gazelles. » Mais l’île suivante était plus belle encore. As-tu pensé à Yokohama ? Eh bien, il doit y avoir mieux que Yokohama, il doit y avoir mieux que toutes choses. Et je ne pouvais pas choisir, je m’arrêtais un instant à la presqu’île de Malacca. Il y a tout autant sur toi que sur les îles. Je découvre le monde et ma chambre y suffit. Je me penche comme autrefois je me penchais sur l’atlas. Quelqu’un a dit : « Il y a des coins de terre si beaux qu’on voudrait pouvoir les presser sur son cœur. »