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Page:Philippe - Marie Donadieu, 1904.djvu/309

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à jouer de la clarinette. Il partait, on disait : Ça y est, voilà mon Jalot ! Et tout d’un coup, en plein milieu, il se taisait pour apprendre encore mieux. Je crois plutôt qu’il se disait : Si j’en restais où j’en suis, c’est si bon ce qu’on sait ! Tu vois que Jalot m’a beaucoup servi. Il y avait des petits enfants qui, tout le jour, avaient porté des bottines. Alors, quand venait la saison, on leur disait : Je t’achèterai des espadrilles pour te délasser. Ils couraient pour mieux montrer combien ils étaient délassés. Il y avait ma grand’mère qui m’apportait un fichu. C’est très difficile à expliquer, mais c’était sa manière à elle de me gronder. Il y avait, de l’autre côté de la rue, la Grande Ourse au-dessus du toit du voisin. Oh ! je la connais ! Le toit d’un homme m’a repéré le monde. La rue montait vers notre droite. Il y avait chaque soir, plus loin que son sommet, un bruit comme si toute la Terre l’avait fait. Je disais : « Grand-père, on ne peut pas entendre d’ici les trains passer, il n’y a pas de vent dans la campagne ; alors qu’est-ce que c’est ? » Il me répondait : « J’ai toujours cru que c’était le bruit du Temps qui passe. » On se sentait